Brandon Stanton, le photographe qui dévoile les histoires d'inconnus rencontrés dans les rues de New York
Comment développer la capacité singulière d’aborder des inconnus puis capturer les moments les plus intimes de leur vie en 20 minutes seulement
Lorsque l’on me demande pourquoi j’aime New York, je réponds que cette ville est remplie de gens qui ont des histoires surprenantes, attendrissantes ou parfois bouleversantes. Le projet Humans of New York est l’illustration parfaite de cette effervescence et diversité unique au monde.
"La grande chose à propos de New York est que si vous restez assis assez longtemps au même endroit, le monde entier vient à vous." Brandon Stanton. TRY IT !
Humans of New York (HONY) est le projet de photographie le plus suivi au monde avec 30 millions de followers sur Instagram et Facebook. Tous les jours, depuis 2010, Brandon Stanton poste des portraits d’inconnus qu’il arrête dans les rues de NYC accompagné d’un court texte dévoilant un peu de leur vie, leurs croyances, leurs blessures ou leur joie.
“L'objectif, est de transmettre le plus efficacement possible l'histoire d'une personne au hasard dans la rue. La pureté de 'HONY' est qu'il s'agit de la personne et non de la personnalité." Brandon Stanton
Ce projet artistique l’a conduit bien loin de NYC, réalisant des séries de portraits dans des prisons, au côté d’enfants atteints de Cancer ou auprès de réfugiés avec les Nations Unis. HONY est devenue une plateforme à partir de laquelle il collecte des fonds pour des oeuvres caritatives: comme lorsque la tempête Sandy a frappé New York, pour les étudiants de Mott Hall Bridges Academy (une école d’un quartier les plus difficiles de NYC ($1.4 million levés), pour aider une danseuse burlesque à la retraite ($2,7 millions), un homme rendu aveugle par un tournevis lors d'une attaque dans le métro (677 000 $) et bien d’autres... Après avoir été nommé Forbes 30 under 30 en 2013 et avoir publié son premier livre «Humans of New York», Brandon a étendu son projet et traversé 10 pays en 50 jours avec l’aide de l’ONU. Puis, un an plus tard, il est allé au Pakistan et en Iran. En achevant son voyage au Pakistan, il a ainsi levé des fonds pour mettre fin au travail forcé au Pakistan, et récoltera 2,3 millions de dollars .
Ce projet de photographie a changé des vies, “une histoire à la fois” et levé plus de 8 millions de dollars au total.
Pourtant tout cela est parti d’une “simple” envie de passer son temps comme il le souhaitait, grâce à la photographie. A 26 ans, après avoir perdu son emploi et ses économies lors de la crise des Subprimes, il déménage à NYC avec pour objectif initial de tirer le portrait de 10 000 new yorkais et de les poster sur une carte interactive de la ville. Il ne connait personne, a à peine de quoi vivre et son seul objectif est de générer suffisamment d'argent pour payer nourriture et loyer en vendant des impressions de ces photos.
C’est le début des réseaux sociaux avec Facebook en 2010. Son approche dénote puisque depuis le début, il tient à être invisible. Au lieu de mettre en avant sa personnalité, il met en avant les histoires d’inconnus et leur propre vulnérabilité de façon brute. Sa page Facebook gagne à l’époque 10 nouveaux followers par jour. Mais c’est la photo de la dame en vert de Brooklyn qui a changé la trajectoire de HONY. Un jour, il a photographié cette dame vêtue uniquement de vert. Le lendemain, il est tombé malade et n'avait rien à publier. La photo n'était pas géniale, il ne l'aurait pas postée dans d'autres circonstances. Mais il s'est souvenu de ce que la dame lui avait dit :
Brandon : “Alors, portes-tu une couleur différente chaque jour ?”
The Lady in Green : “Non, j'avais l'habitude de passer par différentes couleurs. Mais ensuite j'ai découvert que j'étais plus heureuse quand j'étais verte, alors je suis verte depuis 15 ans.”
C’est là qu’il réalise que les gens sont beaucoup plus intéressés par en apprendre plus sur ces inconnus que par leur simple photo. Ce qui a commencé par une demandede portrait, devient une courte interview de 15 minutes puis 30 minutes puis 1 à 2 heures aujourd’hui. Et stopper quelqu’un dans sa course à New York est un réel défi en soi ! (on y vient dans la partie “à expérimenter”).
Le plus inattendu est que Brandon ne se définit pas comme une photographe. Il a d'ailleurs fait l'objet de nombreux articles expliquant à quel point il est loin d'être le photographe le plus talentueux. Il se voit plutôt comme un “compteur d’histoires”, sa mission est de contribuer humblement à reconnecter les humains entre eux en partageant les histoires de gens ordinaires avec le monde entier.
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→ Sur l’art d’aborder des inconnus dans la rue : comment fait-il pour aller au coeur du sujet en quelques minutes d’interview seulement?
"Il ne s'agit pas de ce que je dis, mais de l'énergie que je dégage", a déclaré Stanton lorsqu'on lui a demandé comment il poussait les gens à se confier à lui. "Je suis vraiment intéressé par ce que la personne a à dire." A force d’aborder des milliers d’inconnus et avoir essuyé des milliers de refus, Brandon maîtrise l’art de l'interview et comment chercher l'inattendu. Cet un ensemble d’éléments qui semble inspirer confiance en lui : la façon dont il s’habille (jean T shirt), le fait qu’il se mette plus bas que son interlocuteurs lorsqu’il lui parle souvent assis par terre. L’écoute et l’attention complète qu’il offre à la personne pendant ces quelques minutes est chose rare dans la société actuelle et rend sa démarche authentique. Il cherche “ce avec quoi cette personne se débat, et ce dont elle peut parler avec plus de sagesse que n'importe qui d'autre.” C'est pourquoi il parle de luttes, de croyances de souvenir plus ou moins douloureux…La plupart du temps, il les laisse mener l'interview mais voici quelques questions qu'il pose : De quoi avez-vous le plus peur en ce moment ? Quel est le moment le plus heureux de votre vie ? Quel est le moment le plus triste? Quelle est la personne la plus influente dans votre vie ?
→ Sur la vertu de la discipline pour affronter les difficultés et se créer des routines qui permettent d’avancer pas à pas.
Il a passé une grande partie de son enfance à rêvasser et était devenu addict au cannabis ce qui exaspérait ses parents. A tel point qu’ils l’ont envoyé vivre chez ses grands parents. C’est là, que Brandon passe de la rêverie à l'action. La première chose qu'il fait pour remettre de l’ordre dans sa vie est de lire 100 pages par jour - sans exception auquel il a ajouté du sport et du piano une heure par jour. La discipline a joué un rôle déterminant dans le succès de HONY. Il s’est inspiré de la biographie de Benjamin Franklin où il prend conscience du pouvoir de la discipline. Il explique que sauter une habitude un jour, n’est pas tant au sujet du travail perdu (en parlant de HONY), mais plutôt le fait de rompre avec cette routine. Qu’il se sente malade, démotivé, qu’il pleuve ou qu’il neige, Brandon a pris son appareil photo et posté TOUS les jours de l’année pendant près de 10 ans. Il est l'exemple ultime de la persévérance. “Connectez-vous simplement à un système que vous pouvez suivre.”
→ Par où commencer lorsqu’on est perdu ou bloquer ? 1/ Se concentrer sur les prochaines 24 heures uniquement et 2/ lire des biographies de gens qui ont accompli des choses similaires.
“Si vous êtes coincés, dit-il, arrêtez de regarder la situation dans son ensemble, concentrez-vous sur la période des prochaines 24 heures” (comme Benjamin Franklin). Pendant toute son enfance, il était obsédé par son impact. Il voulait accomplir de grandes choses et avait le sentiment d'être en retard. Il raconte “Au lieu de simplement m'asseoir et d'essayer de penser à de grandes idées ou attendre la vague de passion, j’ai commencé à diviser ma vie en choses que je pourrais faire, objectifs que je pourrais accomplir”. Sa première routine était de lire 100 pages par jour. Des livres de non-fiction, que cela prenne 1 heure ou 8 heures ! Il l'appelle les livres longs et difficiles à lire, ses légumes. Et nous avons tous besoin de légumes pour vivre ; )
“Choisissez quelqu'un qui a fait des choses que vous voulez accomplir. Et que vous admirez vraiment. Lisez leur biographie. Découvrez les luttes qu'ils ont traversées, découvrez les rebondissements de leur vie et les décisions qu'ils ont prises. Je ne pense pas qu'il y ait de meilleure feuille de route actionnable que de descendre au niveau granulaire de la vie de quelqu'un et de découvrir comment il l'a naviguée".
→ Sur notre façon de juger les autres. “Don't judge people by a moment.”
Brandon revient sur sa rencontre avec Barack Obama et comment il l’a jugé à tort - froid et distant - alors que l’essence de son travail avec HONY est d’aller au delà des apparences et faire preuve de tolérance. En janvier 2015, il rencontre Barack Obama dans son bureau à la Maison Blanche. Toute sa vie Brandon a rêvé de le rencontrer, il a même fait campagne pour lui au moment de son élection. Il lui a apporté une copie de la première édition de “Power Broker” un livre de référence pour Barack. Lors de l’interview, la connection ne se crée pas. Il sent le Président distant, distrait, pressé et ressort très déçu de cette rencontre. 3 mois plus tard, il se retrouve une nouvelle fois invité à la Maison Blanche avec les Nations Unies. Il n’a aucune attente. Il était censé prendre une photo rapide des réfugiés et de Barack à la fin de son intervention. Juste avant de partir, un de ses attachés dit au Président, que le photographe était Brandon de HONY. Barack se tourne vers lui et lui dit “Hey this is my man”, il lui met sa main sur l’épaule et dit “Je veux que tu saches que tu fais un travail très important”. Brandon se sentait mal parce qu'il avait jugé une personne sur un moment. C’est une tendance très naturelle mais qui peut donner lieu à de nombreux malentendus.
Une dose de bonne humeur et d’excentricité avec the lady in Green sur ses routines et le vert !
Deux meilleures amies : l’une en rose, l’autre en jaune.
Une interview de Brandon sur Humans of New York et son processus de création - entre rencontre, photographie et “storytelling”.
La biographie de Benjamin Franklin
Un article de “The Intelligencer” qui revient sur comment HONY est devenu une plateforme philanthropique.
Humans un des best sellers de Brandon Stanton
“N'utilisez pas la poursuite de vos rêves comme excuse pour ne pas travailler dur. Parce que suivre votre rêve ne signifie rien d'autre qu'un travail acharné”.
Sa citation préféré : “Le génie sans éducation est comme de l'argent dans la mine” de Benjamin Franklin. Il fait référence au potentiel gaspillé. Si vous êtes un génie né mais vous ne vous éduquez pas, vos capacités sont gaspillées de la même manière que l'argent dans la mine n'est pas bon tant qu’il n’est pas extrait de la mine.
"Pour le monde, vous pouvez être une personne, mais pour une personne, vous pouvez être le monde."
"Je cherche toujours quelque chose que cette personne m'a dit et que personne d'autre ne m'a dit. Ce n'est en général pas une opinion, ni une philosophie. C'est presque toujours une histoire. Parce que nous partageons tous des philosophies similaires, nous partageons tous des opinions similaires sur de nombreux problèmes différents, mais toutes nos histoires sont les nôtres.”
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