Voici comment se déroule le cycle de battage médiatique quotidien sur les réseaux sociaux tels que Twitter, Instagram, Facebook : on forme une opinion, on partage cette opinion sur les réseaux sociaux, on signe une pétition ou donne de l'argent à la cause que l'on soutient, et soudain “pouf” : la bulle de bruit, de colère et d’indignation éclate pour laisser place à la prochaine.
Les guerres, la pandémie Covid, la crise du climat, le nombre croissant des régimes répressifs sont autant de raison de s’indigner, commenter sur les réseaux sociaux et inonder la toile.
Mais la question demeure : quel genre d'impact cet activisme virtuel a-t-il vraiment?
Certes, former une opinion est la première étape fondamentale, mais quelle place reste-t’il pour l’action? Ce feu médiatique donne-t’il lieu à des actions concrètes ou est-ce qu’on ne sauterait pas plutôt d’une “bulle de bruit” à une autre?
En étudiant les différentes formes d’activisme, je suis tombée sur le terme “slacktivisme” (Slack signifie mou, donc c’est un peu “l'activisme des fainéants”). Ce terme désigne les formes de soutien aux cause politiques ou sociales via les réseaux sociaux impliquant très peu d'effort ou d'engagement comme les tweets, les likes, les partages, les hashtags, les pétitions en ligne…
Ces actions permettent de montrer sa solidarité, mais sont-elles le fruit de réelles convictions ? Et que se passe-t’il concrètement après un tweet ?
Aux États Unis, comme partout ailleurs, les contraintes liées aux quarantaines à répétition pendant la pandémie combinées à l’adoption massive des réseaux sociaux (Tiktok, Twitter, Instagram…) ont donné lieu à de nouvelles formes d’activisme – bien loin des méthodes traditionnelles de Martin Luther King ou Malcolm Gladwell, figures emblématiques du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis.
J’ai tenté d’illustrer ici quelques formes d’activisme off-line ou online, traditionnels ou innovants à travers les profils ci-dessous. Je retiens de mes lectures que c’est un sujet complexe qui invite à beaucoup d’humilité :
1/ il y a autant façon de plaider en faveur d'un changement significatif que d’individu - et c’est bien cela qui en fait la richesse
2/ les personnes qui font le travail jour après jour pour résoudre le problème à la racine, sont peut être dans l’ombre mais contribue à leur échelle à un changement bien plus significatif que nos tweets.
Loin d’être exhaustive, j’espère que cette menue liste vous inspirera et vous poussera peut être à trouver votre façon d’agir pour défendre la/les causes de votre choix.
S’INSPIRER.
Commençons par l’œuvre de Gene Sharp.
Politologue américain et fondateur de l’Albert Einstein Institute, un institut de recherche sur la résistance non-violente. Ses travaux répertorient 198 Méthodes d'actions non violentes classées en trois grandes catégories : protestation et persuasion non violentes, non coopération (sociale, économique et politique) et intervention non- violente. Si vous souhaitez un lien en français ce site par exemple encourage à l’action citoyenne en suivant la catégorisation de Gene Sharp.
Aujourd’hui l’adoption massive du numérique et des nouvelles technologie a donné lieu à de nombreuses innovation: une nouvelle étude a noté plus de 300 méthodes de résistance non violentes. Par exemple, cette application vous dévoile l’histoire des peuples indigènes natifs de la terre sur laquelle vous vivez en entrant simplement votre code postal. Ou bien, des drones ont également été utilisés pour faire voler des pilules d’avortement dans des pays qui ont interdit leur accès. Autant d’outils pour les activistes “nouvelles générations”.
Photo: Markus Spiske via Flickr
La journée de protestation et marche collective.
Une méthode traditionnelle mais puissante illustrée par la marche des femmes aux Etats-Unis rassemblant 3 à 5 millions de personnes en 2017, le lendemain de l'investiture présidentielle. Cet article retrace les marches pour les femmes de 1789 à Versailles (France) à nos jours. Celle de janvier 2017 était probablement la plus grande manifestation mondiale pour les droits des femmes à ce jour et a été rejointe par 261 marches sœurs dans des pays du monde entier. La Marche des femmes a annoncé une nouvelle vague mondiale pour l’activisme féminin, soutenue par le mouvement viral #MeToo - qui a atteint 85 pays - et qui a encouragé un nombre historique de femmes candidates à des élections dans le monde entier.
Tarana Burke, figure emblématique du mouvement #Me Too, qui ne se limite pas au pouvoir d’un hashtag bien choisi.
“Peut-être que ça ne passera pas.”
C'est ce que Tarana Burke pensait lorsqu'elle découvre que l'expression “MeToo” circulait sur la toile en octobre 2017, à la suite des révélations choquantes sur le magnat d'Hollywood Harvey Weinstein.
Tarana a grandi dans le Bronx à New York City. Elle-même victime d’abus sexuels à 7 ans, Tarana est une survivante qui a oeuvré depuis son adolescence contre l'inégalité en matière de logement, la discrimination raciale et l'injustice économique. Et c’est en aidant des jeunes adolescentes du Bronx qu’elle réalise que le sujets de la violence sexuelle sur les femmes de couleur n’est pas prise au sérieux. Ce constat deviendra la base du mouvement #Metoo qu’elle a créé et qui nous rappelle que les violences dans le monde faites aux femmes et aux jeunes filles sont loin d’être éradiquées - quelque soit leur couleur de peau.
Un autre mouvement illustrant le pouvoir du numérique pour rendre “l’invisible visible” et briser les barrières sociales : Black Live Matter avec Alicia Garza
Alicia Garza ne veut pas être le visage de Black Live Matter, qu’elle a contribué à créer, et c'est délibéré. A 39 ans, Alicia se définit comme auteure, activiste pour les droits civiques et rêveuse de liberté.
“Je ne suis pas intéressée par être le visage des choses ; je suis intéressée par le changement” explique-t’elle.
L’origine de Black Lives Matter est celle d'une action collective et collaborative plutôt que celle d'une gloire individuelle. Tout commence en 2013, lorsque George Zimmerman est acquitté d'avoir tué par balle Trayvon Martin, un adolescent noir non armé. Alicia écrit “une lettre d'amour pour les Noirs” sur Facebook. Son amie Patrisse Cullors relaie la publication avec le hashtag BlackLivesMatter. Un autre ami, Opal Tometi, conçoit le site Web blacklivesmatter.com et les plateformes de médias sociaux. Sept ans plus tard, #BlackLivesMatter, est devenu l'un des mouvements de justice sociale les plus puissants au monde. C’est un cri de ralliement qui a été scandé par des millions de manifestants à travers le monde. Il a été peint en lettres géantes sur une route menant à la Maison Blanche et affiché sur les fenêtres des écoles primaires du Northamptonshire. On estime que 15 à 26 millions de personnes ont participé aux manifestations Black Lives Matter de 2020 aux États-Unis, ce qui en fait l'un des plus grands mouvements de l'histoire du pays.
Une figure de la nouvelle génération d’activistes pour les droits civiques et l’environnement : Amanda Gorman et l’émotion de la poésie.
Un style différent, innovant. Ici on ne crie pas de slogans, on utilise le poème et l’art oratoire dans les Institutions comme la Maison Blanche ou les Nations-Unis pour alerter sur la réalité et inviter à l’action sur les défis mondiaux, notamment la pauvreté et la faim. La poète et auteure a rejoint Anderson Cooper de CNN pour partager son processus poétique et a récité un extrait en direct.
Chris Hohn, un profil atypique d’investisseur institutionnel qui oeuvre pour la jeunesse des pays en développement.
L’anglais Chris Hohn ne correspond pas vraiment au stéréotype du gestionnaire de Hedge-fund. Le fondateur de TCI Fund Management s'est différencié par la philanthropie, l'activisme et un palmarès impressionnant. Il a lancé The Children's Investment Fund Management en 2003, s'engageant à faire don de 50 points de base de ses frais de gestion à un fonds caritatif. John est actuellement président de la fondation, qui vise à améliorer la vie des enfants pauvres dans les pays en développement. Au fil des années, il a cédé 3 milliards de dollars et la philanthropie est devenue la mission déterminante de son fonds.
Loin des atmosphères feutrées des institutions, Lynsey Addario, photographe connue pour ces reportages de terrain et l’une des photos les plus médiatisées de la guerre russo-ukrainienne.
Sa photo qui a fait le tour du monde est celle d'une mère, de ses deux enfants et d'un ami qui ont été tués par des tirs de mortier russes alors qu'ils fuyaient un village à la périphérie de Kyiv.
“À ce moment-là, [Vladimir] Poutine disait qu'il ne visait pas intentionnellement des civils. Cette photo résume exactement pourquoi je fais ce travail, pourquoi je risque ma vie, pourquoi les journalistes doivent être là et pourquoi il est important de documenter ces choses. C'est parce qu'il y a des dirigeants qui mentent, et c'est très important de montrer la vérité”, raconte-t’elle.
Au cours des deux dernières décennies, Lynsey a couvert tous les conflits majeurs et crises humanitaires de la planète. “Je me vois comme une sorte de messager”, dit-elle. “Quelqu'un qui enregistre les histoires, la vie et les difficultés des gens. J'essaie de faire connaître leurs histoires au grand public dans le but de créer une compréhension.” Elle ne pense pas qu'il soit nécessaire d'être militante pour instaurer un changement. Et pourtant, elle prend des risques considérables pour témoigner de la destruction et de la douleur à travers l'objectif de son appareil photo. Le fil conducteur de son travail : elle ne pose jamais la caméra, même face à un danger extrême.
A REGARDER.
Last but not least, deux documentaires qui me sont chers, pour leur originalité et l’engagement de leurs créateurs.
Serena Dykman et le récit de 3 générations de femmes autour de l’Holocauste, la résistance et du travail de mémoire.
Le devoir de mémoire est l’un des piliers - trop souvent mis de côté - de l’activisme non-violent et permet l’éducation des générations futures. Le but étant d’apprendre du passé pour construire un meilleur futur.
Serena Dykman est réalisatrice, scénariste, productrice basée à New York City à la tête de Dyamant Pictures. Son histoire personnelle a été profondément marquée par l’Holocauste et à seulement 24 ans, elle se lance dans la création de NANA - un documentaire sur l’horreur des camps à travers les témoignages de sa grand-mère Maryla Michalowski-Dyamant décédée lorsque Serena avait 11 ans. On y découvre le récit croisé de 3 générations de femmes: Serena, sa mère Alice Michalowski et sa grand-mère. Une histoire poignante sur l’impact des stigmas de la guerre, les non-dits, la persécution des juifs et la fuite. Maryla a consacré sa vie après la guerre à parler publiquement de sa survie aux jeunes générations. Serena lui rend hommage avec l’un de ces films ; utilisant ces talents de cinéastes pour dévoiler son histoire personnelle au grand public. Ce qui force respect et admiration face à un tel courage et maturité.
Note: Restez jusqu’au bêtisier pour finir en riant à partir de 1:35:00.
Paul Watson, surnommé le berger des mers, qui a dédié sa vie à la protection des océans avec des actions directes et parfois musclées.
Paul est convaincu de la nécessité de mener des actions directes, ce qui entre en conflit avec la philosophie de non-violence prônée par Greenpeace. Après avoir été exclu de Greenpeace en 1977, il fonde alors son propre groupe, la Sea Shepherd Conservation Society. Depuis 2007, l'émission de télé-réalité Justiciers des mers est consacrée à l'association et aux combats qu'il mène. Certains le considèrent comme un pirate ou un “écoterroriste”, thème de plus en plus en vogue à mesure que les polémiques environnementales s'accentuent. Ces actions et impacts concrets pour la préservation des écosystèmes ont néanmoins démontré l'importance du mouvement de conservation et combien il reste encore à faire pour sauver cette planète. Ils nous invitent a devenir des Terriens et participer activement a la préservation des écosystèmes que nous visitons: que ce soit le ramassage de plastique sur les plages, la protection des nids de tortues ou rejoindre des organisations locales de préservation .