Annie Duke, la "duchesse du poker" nous livre ses techniques pour prendre de meilleures décisions
Apprendre à penser comme un joueur de poker pour dompter l'incertitude
"Il y a exactement deux choses qui déterminent le déroulement de nos vies : la qualité de nos décisions et la chance."
Selon Annie Duke, l'une des meilleures joueuses de poker au monde, notre quotidien imite étroitement la dynamique d'un jeu de poker, et non un jeu d’échec. Aux échecs, toutes les pièces sont visibles des deux joueurs et une meilleure stratégie augmente directement la probabilité de gagner. Or il y a une différence déterminante entre les échecs et la vie : c’est l'asymétrie de l'information. Hors de l'échiquier, personne n'a tous les détails.
“Les décisions que nous prenons dans nos vies […] impliquent l'incertitude, le risque et la tromperie occasionnelle, des éléments importants du poker. Les problèmes surviennent lorsque nous traitons les décisions de la vie comme s'il s'agissait de décisions d'échecs.”
Au poker, l’information est incomplète et la prise de décision se fait dans l'incertitude: tout comme dans la vraie vie. La table de poker s’avère être un laboratoire unique pour la prise de décision : le joueur de poker prend des centaines de décisions par heure, n’ayant que quelques secondes pour délibérer malgré d’énormes enjeux financiers. D’ailleurs le célèbre Von Neuman, père de la théorie des jeux a mis a l’épreuve ses hypothèses en jouant au poker lui-même.
Annie compare chaque décision à un pari sur l’avenir – qui va ouvrir certaines portes et en fermer d’autres. D’où l’intérêt d’être sélectif sur les paris que l’on fait et améliorer la qualité de nos prises de décisions pour augmenter nos chances d'obtenir de bons résultats.
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→ Evitez le “resulting” : notre tendance à assimiler la qualité d'une décision à la qualité de son résultat.
"Établir une relation trop étroite entre les résultats et la qualité des décisions affecte nos décisions au quotidien, avec potentiellement des conséquences catastrophiques de grande envergure."
Si on vous demande de citer une bonne décision vous allez forcément sélectionner une décision associée à un bon résultat . Et pareil pour un mauvais résultat. Or c’est une erreur courante. Par exemple, si vous prenez la voiture, sans mettre votre ceinture et arrivez sain et sauf à votre destination, pendant qu’une autre personne, s’attache et se fait percuter par un autre véhicule. Prenez-vous la décision de ne plus jamais attacher votre ceinture? Changer votre comportement en ce sens serait complètement absurde.
→ Mettez en place un “buddy system” : s’entourer de personnes qui vont vous aider à détecter vos “angles morts”, vos préjugés et croyances limitantes
Annie a rejoint très tôt un groupe de joueurs de poker plus expérimentés pour les consulter sur ses décisions de jeu. Elle souligne l'importance d’élargir nos perspectives en s’entourant de personnes dont les opinions ne correspondent pas aux nôtres. Ne fuyez pas les “avocats du diable”, écoutez-les.
“Cherchez des personnes qui ne sont pas d'accord avec vous et demandez-vous : “Qu'est-ce que l'autre personne sait que je ne sais pas ?” Regardez.”
→ “If on tilt - Zoom out”: reconnaître immédiatement quand nous agissons sous l’émotion et prendre du recul
Au poker, la réactivité émotionnelle et son impact sur la prise de décision s'appelle le tilt. Lorsque nous sommes déséquilibrés par l'intensité de nos émotions, nous avons souvent des réactions excessives. A ce moment précis, nous pouvons choisir de prendre une autre ligne de conduite menant à un meilleur résultat : faites zoom arrière, prenez du recul en vous demandant : “Cette expérience comptera-t-elle dans un an ? Cet événement va-t-il vraiment affecter mon bonheur futur ou mon état de vie ?” Peu probable…ce sera même peut être une histoire drôle à raconter.
→ Combinez le “backcasting” et la technique du “pre-mortem” afin de construire un plan au plus proche de la réalité
Le backcasting consiste à partir du résultat final idéal pour déterminer les étapes nécessaires qui nous ont permis de l'atteindre avec succès. L’intérêt est de combiner cette vision idéaliste à une vision plus négative - le prémortem - pour arriver à un scénario plus réaliste.
Le prémortem consiste à imaginer tous les obstacles qui vont nous empêcher d’atteindre notre but. La question à se poser est : “Je n'ai pas atteint mon objectif, pourquoi ?”.
L'intégration de la visualisation négative dans votre planification augmente la probabilité d’atteindre vos objectifs, bien plus que la simple visualisation du résultat positif. En vous concentrant au préalable sur les obstacles potentiels sur la voie du succès, vous pouvez adopter des stratégies pour les surmonter et minimiser leur occurrence.
→ Utiliser la règle des 10-10-10 pour faire un choix
“Vous devez penser au regret avant de prendre une décision”, dit-elle.
Au lieu de se concentrer sur ce qui se passe dans le présent, pensez à ce qui se passera dans le futur et comment vous vous sentirez face à cette décision dans 10 minutes, 10 mois, 10 ans. De même, essayez de tirer profit de la leçon du regret avant de prendre une décision. Demandez-vous : “Si je choisis cette décision, est-ce que je le regretterai après ? Si oui, faites un autre choix.”
→ Ecrivez tous les résultats possibles et attribuez une probabilité à chaque scénario
Dans une conversation avec Marc Andreessen (voir son précédent profil ici) et Sonal Chokshi, Annie développe l’intérêt de penser de manière probabiliste et comment intégrer l'incertitude dans une organisation.
Quand cela est possible déconstruire les décisions avant que les résultats ne se produisent permet de mieux réagir face aux aléas. De cette façon, même lorsque l'improbable se produit, vous ne réagissez pas de manière excessive parce que vous y avez pensé à l'avance.
Annie Duke commence le poker professionnel au côté de son frère Howard Lederer, pour se faire de l’argent de poche. Ce qui ne devait être qu’une courte parenthèse dans ses études en psychologie cognitive devient une carrière professionnelle de 20 ans dans le laboratoire comportemental du monde réel : le poker professionnel.
En 2004, Annie devient la première (et la seule) femme à remporter le “World Series of Poker Tournament of Champions”, battant son frère et neuf anciens vainqueurs du championnat du monde. Puis en 2010, elle bat son mentor Erik Seidel lors de la final du NBC National Heads-Up Poker. Elle aurait gagné près de 4,3 millions de dollars lors des tournois de poker.
En 2011, au sommet de sa carrière, Annie lance un projet au concept unique: the Epic Poker League (EPL), avec un prix de 1 000 000 $ à gagner. L'idée de cette League est innovante, mais lancée au pire moment de l’histoire du poker aux Etats-Unis. Le 15 avril de la même année, le monde du poker s’effondre : le ministère américain de la Justice porte plainte contre les trois principaux opérateurs de poker en ligne, saisissant au passage tous les comptes bancaires rattachés aux sites et les emails des joueurs. Peu de temps après, l'EPL dépose bilan et les joueurs n'ont jamais obtenu le prix promis. À juste titre ou non, Annie devient persona non grata dans les cercles de poker et malgré sa réputation controversée, elle se donne pour mission d’utiliser ses années d’expérience à la table de poker et son travail académique en psychologie cognitive pour aider le grand public et les entreprises à démystifier la prise de décision. Elle nous livre ainsi des outils pratiques à appliquer au quotidien via ses livres et conférences à succès.
En 2018 elle publie son best seller “Thinking in Bets: Making Smarter Decisions When You Don’t Have All the Facts.” où elle nous apprend à penser comme un joueur de poker pour prendre de meilleures décisions.
Voici son discours à Georgetown sur la prise de risque.
“L'amélioration de la qualité des décisions consiste à augmenter nos chances d'obtenir de bons résultats, pas à les garantir.”
“Malgré la sagesse populaire selon laquelle nous réussissons grâce à la visualisation positive, il s'avère que l'incorporation de la visualisation négative nous rend plus susceptibles d'atteindre nos objectifs.”
“Dans la plupart de nos décisions, nous ne parions pas contre une autre personne. Au contraire, nous parions contre toutes les futures versions de nous-mêmes que nous ne choisissons pas.”
“L'expérience n'est pas ce qui arrive à un homme ; c'est ce qu'un homme fait de ce qui lui arrive.”
“Apprendre simplement de notre propre expérience met une limite majeure à notre croissance - étudier l'expérience, les stratégies, les systèmes et les résultats des autres aide à minimiser la répétition des mêmes erreurs. Nous pouvons voir plus clairement et objectivement les actions des autres, examiner les résultats générés et déterminer - ont-ils réussi grâce à leurs compétences ou à leur chance ?”
“En traitant les décisions comme des paris, les joueurs de poker reconnaissent explicitement qu'ils décident d'avenirs alternatifs, chacun avec des avantages et des risques. Ils reconnaissent également qu'il n'y a pas de réponses simples. Certaines choses sont inconnues ou inconnaissables.”
Ce que je retiens de Thinking In Bets peut se résumer en deux phrases : Soyez agnostique, adaptatif, ouvert, véridique envers vous-même et un étudiant pour la vie. Cela devrait aggraver à la fois la connaissance et la richesse. Vous trouverez ci-dessous ce que je considère comme les citations les plus précieuses du livre :
Les erreurs, les émotions, la perte - ces choses sont toutes inévitables parce que nous sommes humains. L'approche de la pensée par les paris m'a poussé vers l'objectivité, la précision et l'ouverture d'esprit. Ce mouvement s'accumule au fil du temps pour créer des changements importants dans nos vies.
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