Marc Andreessen, investisseur emblématique et controversé de la Silicon Valley
Comment détecter les innovations de demain, start up et "productivity hacks"
Marc Andreessen est l'un des pionniers du Web et les logiciels qu’il a développé sont utilisés par des milliards de personnes.
Sa conviction profonde: “la technologie n'est pas dans une bulle, elle est en phase de déploiement”.
Son argumentaire : des chemins de fer au trading algorithmique, chaque avancée technologique a connu trois phases 1/ une phase d'investissement gourmande en ressources pour créer la technologie 2/ une accélération avec une diffusion massive et peu structurée 3/ puis une phase de déploiement au cours de laquelle la technologie mûrit en une infrastructure sur laquelle une nouvelle technologie peut être construite.
Développeur devenu serial entrepreneur, pendant des décennies, Marc a contribué à la construction de cette même infrastructure, que le monde entier tient pour acquise. Il participe à l’adoption massive d’internet en créant Mosaic, le premier moteur de recherche graphique, qu'il a ensuite commercialisé sous le nom de Netscape. Il a ensuite co-fondé Opsware (à l'origine Loudcloud) qui devient l'une des premières entreprises de logiciel Saas “software as a service”. Puis en 2009, il lance avec son acolyte Ben Horowitz, l’un des fonds d’investissement les plus avant-gardistes de la Silicon Valley dont le portefeuille comprend Facebook, Skype, Lyft, Pinterest, Airbnb et Slack.
Marc et Ben forment le duo de choc de la Silicon Valley connu pour leur style direct et leur confort face aux conflits. Leur relation professionnelle commence lorsque Ben travaillait pour Marc, alors CEO chez Netscape en 1996. Un jour, Ben lui écrit un email l'accusant d'avoir révélé prématurément la nouvelle stratégie de l'entreprise à la presse. Marc lui répond que ce sera de sa faute si l'entreprise échoue : “Next time do the fucking interview yourself. Fuck you.” Ce qui aurait suffit à terminer toute relation en temps normal. Et pourtant, deux ans après, lorsque Netscape est en difficulté et perd 40% de ses employés, Ben annonce à Marc qu’il reste quoiqu’il arrive. Une marque de confiance qui va souder le duo : Ben est le C.E.O. humain et Marc est le théoricien clairvoyant, le président.
Pour affûter ses thèses d’investissement, Marc aime étudier d’autres investisseurs à son opposé, comme le non moins fameux duo Warren et Charlie de Berkshire Hathaway (voir le dossier sur Charlie ici). Il raconte en référence à l’investissement de Warren dans See’s Candie (un producteur et distributeur de bonbons et chocolats) :
“Chaque fois que j'entends une histoire comme See’s Candies, je veux aller trouver la nouvelle start-up Tech de bonbons super-aliments qui va les faire sauter au plafond. Nous sommes complètement opposés dans ce sens. En gros, il (Warren) parie contre le changement. Nous parions pour le changement. Quand il fait une erreur, c'est parce que quelque chose change auquel il ne s'attendait pas. Quand nous faisons une erreur, c'est parce que quelque chose ne change pas comme nous le pensions.”
Traditionnels ou disruptifs, ces deux duos font des paris concentrés sur les entreprises qu'ils aiment. Leur motto “going all in” - mettre tous leurs œufs dans le même panier.
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Marc n’a pas sa langue dans sa poche et est connu pour exposer publiquement ses opinions sur Twitter ou dans la presse - parfois même des critiques personnelles de Warren ou d’autres investisseurs. A titre d’exemple, leur vues divergentes sur les crypto-monnaies : quand Warren qualifie le bitcoin de “mirage”, Marc explique à la presse “The historical track record of old white men who don't understand technology crapping on new technology they don’t understand is still 100%.”
Cela vous donne une idée du personnage.
Ce qui est fascinant, c’est qu’avec son fond, il voit défiler à longueur de journée les boîtes les plus disruptives qui tentent d’inventer le futur du transport, de l’immobilier ou de la santé. Le monde du capital-risque évolue à une vitesse folle. C’est un monde exigeant, où la croissance attendue est hors-norme, et où les investisseurs sont capables de virer le CEO ou remanier l’équipe fondatrice à tout moment. Les deux ingrédients qui ont retenus mon attention dans la réussite de Marc sont 1/ sa capacité d’organisation pour “faire” et 2/ sa capacité à détecter les nouvelles tendances qui vont redéfinir le monde de demain.
→ Son guide sur la productivité.
Contrairement à ceux qui prônent un agenda à la minute dans un excel, comme Steve Ballmer, Marc est plutôt de ceux qui fonctionnent de manière intuitive.
Ne pas avoir d’agenda, afin d’avoir la liberté de travailler sur ce qui est le plus important ou le plus intéressant, à tout moment. “Vous voulez passer toute la journée à rédiger un rapport de recherche ? Faites-le! Vous voulez passer toute la journée à coder ? Faites-le! Vous voulez passer toute la journée au café en bas de la rue à lire un livre sur la productivité personnelle ? Faites-le!”
Conservez trois et seulement trois listes : une liste de tâches, une liste de surveillance et une liste ultérieure.
Chaque soir avant d'aller vous coucher, préparez une fiche 3x5 avec une courte liste de 3 à 5 choses que vous ferez le lendemain.
Ensuite, tout au long de la journée, utilisez le verso de la carte 3x5 comme liste anti-to do.
Utilisez à votre avantage la procrastination structurée. Cela vient du professeur de philosophie à Stanford, John Perry. Pendant que vous procrastinez, faites simplement beaucoup d'autres choses à la place.
→ Trouver un rythme à la semaine plutôt qu’á la journée et laisser du temps pour gérer les urgences opérationnelles.
La clé est d’avoir du temps libre planifié à l’avance. Au mieux ce temps vous permettra de réfléchir sur des décisions stratégiques, au pire vous l’utiliserez pour gérer les urgences et n’aurez pas besoin de tout annuler. Par exemple pour Marc : les lundis et vendredis ont des horaires bien précis avec beaucoup de travail en équipe. Il garde les mardis, mercredis et jeudis plus ouverts et tournés vers l'extérieur avec des réunions de conseil d'administration, conseils aux entrepreneurs, etc.
→ Non au micro-management sauf dans deux circonstances bien précises et une période de temps limitée.
Selon ses mots “le micro management c’est comme le vin. Un peu au bon moment améliorera vraiment les choses; trop tout le temps et vous finirez en cure de désintoxication.” Les seules exceptions sont 1/ pour “on-boarder” un nouveau membre de votre comité exécutif plus rapidement 2/ pour compléter les faiblesses d’un de vos managers clés en place. Par exemple, si votre Head of engineering est un brillant directeur technique et manager mais ne collabore pas bien avec les autres fonctions et se coupe des informations critiques ce qui entrave votre capacité à commercialiser efficacement. Passer en revue vos réflexions et décisions avec cet exécutif accélérera sa formation et améliorera l’efficacité cette personne clé à long terme.
→ “The nerds at night test” pour détecter les opportunités ou tout simplement chercher à mieux connaître les gens autour de vous.
“Nous appelons notre test ‘Que font les nerds la nuit et le week-end ?’ Leur travail de jour est Oracle, Salesforce.com, Adobe ou Apple ou Intel ou l'une de ces sociétés, ou une compagnie d'assurance ou une banque. Ou ils sont étudiants. Peu importe. C'est très bien. Ils vont faire tout ce qu'ils doivent faire pour gagner leur vie. La question est : Quel est leur passe-temps ? Que font-ils la nuit ou le week-end ? C’est là, où les choses deviennent vraiment intéressantes.”
→Avoir une équipe “rouge” pour tester la solidité de vos idées.
Pour les décisions importantes, avoir une équipe pour créer formellement une force compensatoire qui va remettre en cause votre décision sur tous les angles. Pour leurs décisions d’investissement, Marc et son partenaire fondateur, Ben Horowitz, joue ce jeu de rôle pour tester l’argumentaire de l’autre.
→ Sur l’importance de la lecture et sélectionner avec soin ce qu’on lit.
Il explique qu’il lit énormément pour « faire du sens », tenter de comprendre ce qui se passe dans le monde. Il n’a pas le temps, donc il sélectionne les “inputs” selon la règle suivante : soit cela lui prend une minute, soit c’est un contenu intemporelle. Il dit qu’il applique l’effet Lindy à la sélection de ses lectures: théorie selon laquelle l'espérance de vie future de certaines choses non périssables est proportionnelle à leur âge actuel. Avant d’être repris par des mathématiciens, le concept a été théorisé de manière informelle par des comédiens au restaurant Lindy connu pour ses cheesecake à New York. L'effet Lindy s'applique aux articles "non périssables", ceux qui n'ont pas de "date de péremption inévitable" (une idée, une technologie, un livre). Par exemple, il considère l’actualité du jour comme “périssable” en quelque sorte, comparé à un contenu qui traversera les années.
On ne peut pas parler de Marc sans parler de son dernier investissement, le plus controversé à date: 350 millions de dollars dans Flow, la start-up d’Adam Neumann (l’ex fondateur de We Work, qui a même fait l’objet d’une série TV “We crashed”). Adam a déjà trompé de nombreux investisseurs, comment a t’il convaincu Marc qu’il avait la solution pour résoudre la crise du logement aux Etats-Unis?
Un article sur un sujet complexe mais passionnant : le phénomène de dérive naturelle vers le conservatisme au fur et á mesure de l’accumulation des richesse. L’auteur s’interroge sur l’évolution idéologique de Marc qui s'est dangereusement approché de l'extrême droite américaine. Qu'est-il arrivé à l'ancien libéral Marc A.? Est-ce l'évolution idéologique naturelle d'un milliardaire et ancien démocrate de plus de 40 ans ? Ou Marc a-t-il pris la redoutable “pilule rouge” (par analogie au film Matrix)? Elle parle de “pilule d'or” : elle observe un phénomène selon lequel Marc (47 ans) et ses riches pairs de la génération X sont plus enclins à thésauriser leur argent – et donc à devenir plus conservateurs – à mesure qu'ils deviennent de plus en plus riches. Le monde virtuel que Marc a contribué à créer est devenu plus démocratique, alors même que le monde matériel est devenu plus inégal. Internet et les médias sociaux offrent aux masses la possibilité de s'adresser directement à l'aristocratie et cela a des résultats prévisibles: les puissants ont besoin de chercher refuge ce qui expliquerait ces dérives.
Pour ceux qui veulent se plonger dans le monde du capital-risque le temps d’un article. C’est le récit d’un entrepreneur qui lève des fonds auprès de Marc et Ben – et les fameuses phrases utilisées par les fonds pour vous dire qu’il passe leur tour, sans vraiment vous le dire directement - car la réputation est importante. On apprend aussi quelques tests utilisés par Marc et Ben pour sélectionner les fondateurs comme “le labyrinthe d'idées”. Marc explique “Vous voulez que l'entrepreneur ait passé des années à réfléchir à son idée dans toutes les impasses imaginables.”
Sur son blog, Marc partage son expérience et ses réflexions comme par exemple pourquoi il ne faut pas créer sa boîte et pour ceux qui veulent tout de même se lancer, des conseils pour lever des fonds ou comment trouver son “product market fit” - terme qu’il a inventé.
Quand Joe Rogan “déconstruit” Marc Andressen lors d’une discussion sur le passé, le présent, le futur. Marc explique qu’il n’y a pas de rupture entre le passé et le futur, c’est simplement un arc sans fin de transformation et de réinvention dans lequel nous sommes toujours au milieu.
"La différence entre une vision et une hallucination est que d'autres personnes peuvent voir la vision."
“Les start-ups doivent être basées sur des idées radicales. Il devrait y avoir un taux d'échec élevé pour les start-ups, car s'il n'y en a pas, leurs idées ne sont pas assez audacieuses.”
"Andy Grove avait la réponse : pour chaque métrique, il devrait y avoir une autre métrique "jumelée" qui traite des conséquences néfastes de la première métrique."
"La seule chose qui compte, c'est d'arriver à l'adéquation produit/marché".
"Mon objectif n'est pas d'échouer rapidement. Mon objectif est de réussir sur le long terme. Ce n'est pas la même chose."
“Le monde est un endroit très malléable. Si vous savez ce que vous voulez et que vous y allez avec un maximum d'énergie, de dynamisme et de passion, le monde se reconfigurera souvent autour de vous beaucoup plus rapidement et facilement que vous ne le pensez.”
“La Chine est très entreprenante mais n'a pas d'état de droit. L'Europe a un État de droit mais n'est pas entrepreneuriale. Combinez l'État de droit, l'esprit d'entreprise et une politique généralement favorable aux entreprises, et vous avez Apple.”
“En bref, les logiciels sont en train de manger le monde”
“Il y a des gens qui sont câblés pour être sceptiques et il y a des gens qui sont câblés pour être optimistes. Et je peux vous dire, au moins depuis 20 ans, si vous pariez du côté des optimistes, généralement vous avez raison.”
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